La purgation et les lavements
Hippocrate accorde un rôle important aux traitements évacuateurs, vomitifs et purgatifs, pour chasser les "humeurs peccantes" à l'origine de nombreuses maladies. Et l'on décide de l'une ou l'autre voie selon la saison :"en été, il faut purger par le haut, en hiver par le bas". Mais il tient compte également du tempérament et préconise "les lavements salés et ténus pour les personnes grasses et humides, plus gras et plus épais pour les personnes sèches et grêles"...Les laxatifs les plus souvent prescrits sont alors le lait d'ânesse cuit, le melon et le jus de chou. Plus drastiques, le ricin, la coloquinte et surtout l'ellébore noire sont réservés à des cas plus sévères.
Outre l'effet thérapeutique des lavements adoucissants, astringents, excitants, stimulants dont il indique la composition, la bonne température etc..., il les recommande comme moyen nutritif. Ce concept est repris au II siècle par Galien, qui propose une liste de substances aptes à être ainsi administrées et qui sont "particulièrement utiles si une perte de l'appétit est apparue".
Si les indications des purgations et lavements sont multiples et variées, les instruments utilisés pour l'administration de ces derniers ne le sont pas moins : entonnoirs en bois, tiges de roseau ou de bambou, au travers desquelles le produit est soufflé dans l'intestin, vessie d'animal attachée à un os de patte de dinde évidé, faisant fonction de canule...
Jusqu'à la fin du Moyen-Age, il semble que la médecine ait peu évolué. En Europe, on continue de pratiquer selon les principes hippocratiques notamment avec les électuaires, les gargarismes, les purgations et lavements, ces derniers ayant la réputation d'être bons "aux passions des boyaux et des rognons". Les plantes orientales envahissent ensuite la pharmacopée mais on utilise aussi quelques plantes européennes dont la camomille additionnée de miel, de sel et d'eau dans le traitement de la constipation.
Le lavement nutritif reste d'actualité et l'on pense que l'estomac exerce un pouvoir attractif sur les substances que l'on introduit dans l'intestin, quand celui-ci est au préalable vide et que l'organisme a besoin d'être alimenté. On procède alors à un double lavement, le premier à visée évacuatrice suivi d'une injection nutritive à base de lait, œufs, miel voire n'importe quel potage censé grimper à travers l'intestin et remonter jusqu'à l'estomac.
Mais ces méthodes ne suffisent plus lorsque constipation opiniâtre et douleurs abdominales intenses réalisent les fameuses "coliques de miserere", au pronostic épouvantable et dont les médecins du Moyen-Age sont loin de cerner les causes.
Le clystère (nom masculin apparu en 1256, provenant du grec kluzein = laver) est un lavement ou une injection médicamenteuse dans le rectum. Le seul obstacle qui eut pu s'opposer à la si belle carrière du clystère, résidait dans la pudeur féminine. Alors est inventée la "perruque à tonsure" dont le double mérite fut de réussir à cacher ce qu'il était inutile d'exposer et à circonvenir précisément le champ d'action de l'opérateur...
Dès lors les clystères sont employés très largement pour traiter les affections les plus contradictoires : diarrhée ou constipation. Leur composition varie grandement selon leurs indications : émollients, purgatifs, astringents, anodins à visée antalgique ou détersifs et carminatifs...
La médication purgative pratiquée par voie orale ou sous forme de lavement avec la fameuse seringue à clystère doit soulager le contenu digestif, stimuler les secrétions intestinales et favoriser la dérivation des humeurs "mauvaises".
Ce sont les apothicaires qui sont chargés de l'administration du lavement, ce qui nécessitait une main exercée
L'utilisation fréquente de l'expression "prendre médecine" qui consiste en une purgation par voie orale témoigne du caractère habituel et répétitif de l'absorption de potions purgatives par les malades et les bien-portants.
D’autres remèdes évacuateurs sont également mis en oeuvre :
• Les émétiques (vomitifs) : ipéca, kermès minéral, vin émétique ;
• Les diaphorétiques (sudorifiques) : gaïac, salsepareille ;
• Les apéritifs (diurétiques) : asperges, tisanes ;
• Les vésicatoires : cantharides, térébenthine ;
• Les révulsifs et décongestionnant : ventouses médicales.
On injecte ces lavements avec une poche à lavement (vessie d'animaux, cuir) reliée à un tuyau de roseau ou de sureau qui permet de laver des parties internes du corps par les orifices naturels : nez, bouche, anus, oreille, vagin, pénis. On pratique aussi ces lavements à l'aide de seringues aussi nommé clystère.